- ÉLASTINE
- ÉLASTINEUn tissu animal élastique est défini comme un tissu riche en élastine , possédant de ce fait des propriétés physiques similaires à celles du caoutchouc. Le ligament large de la nuque des ongulés et leurs cordes vocales, l’aorte et les artères pulmonaires de tous les primates sont considérés comme des tissus élastiques. Les tissus élastiques du cartilage de l’oreille et de l’épiglotte sont des formes spécialisées des tissus élastiques (cartilage élastique). Le poumon, les bronches et la peau, dont l’extensibilité est importante malgré leur faible teneur en élastine, peuvent également être considérés comme des tissus élastiques.L’élastine, est donc présente dans pratiquement chaque organe du corps humain car elle est un des principaux constituants macromoléculaires du tissu conjonctif. Ce composé ne représente parfois pondéralement qu’un faible pourcentage de la matrice intercellulaire , mais son rôle n’en est pas moins primordial au cours des changements dynamiques intervenant dans ces tissus. De plus, son importance apparaît de plus en plus grande dans la pathogénèse de l’athérosclérose, de l’emphysème, de même qu’au cours de nombreuses maladies des tissus élastiques.1. PropriétésL’élastine présente à l’observation au microscope une apparence amorphe et une importante biréfringence. Les «colorants» utilisés en microscopie électronique tels que l’acétate d’uranyle et le citrate de plomb permettent essentiellement de l’identifier sous forme d’un composant microfibrillaire situé à la périphérie de la fibre élastique amorphe, qui n’apparaît pas contrastée (fig. 1). L’hématoxyline de Verhoeff, la résorcine fuchsine et l’orcéine sont les colorations spécifiques généralement employées afin de révéler les fibres élastiques au microscope optique (fig. 2). L’affinité de l’élastine pour ces colorants, relevant d’un mécanisme encore mal connu, paraît être due à la présence de groupements aldéhydes et au caractère fortement hydrophobe de cette protéine fibreuse.L’élastine est une protéine, la plus résistante de l’organisme. Elle peut être définie opérationnellement comme le constituant du tissu conjonctif résistant à l’action hydrolytique de la soude 0,1 N à l’ébullition pendant 45 minutes. L’élastine ainsi isolée à partir d’un tissu conjonctif présente un fort caractère apolaire (rapport carbone/oxygène + azote élevé) et, à l’état hydraté, une élasticité de type entropique comme d’autres élastomères tel le caoutchouc. L’absence d’orientation moléculaire observée par diffraction aux rayons X l’apparente également aux caoutchoucs faiblement vulcanisés. Toutefois, l’élastine ne peut être considérée comme un élastomère classique, puisque en l’absence d’eau elle perd ses propriétés élastiques et devient dure et cassante.2. Structure moléculaireL’analyse d’acides aminés de l’élastine fibreuse insoluble fait apparaître une prépondérance de résidus apolaires (glycine, proline, alanine, valine, phénylalanine, isoleucine, leucine). Les acides aminés polaires tels que l’aspartate, le glutamate, la lysine et l’arginine ne représentent que 5 p. 100 de sa composition (cf. tableau). Cette prédominance d’acides aminés apolaires dans sa composition est caractéristique de l’élastine et représente l’un des critères utilisés pour son identification biochimique. L’élastine contient en outre deux hétérocycles azotés – la desmosine et l’isodesmosine – assurant les liaisons intercaténaires spécifiques de l’élastine dans le tissu conjonctif.L’élastine, tout comme les autres constituants de la matrice intercellulaire, est synthétisée par des formes différenciées du fibroblaste (chondrocytes du cartilage, cellules musculaires lisses de la paroi artérielle, fibrocyte du derme, etc.) sous la forme d’un précurseur soluble désigné tropoélastine . La tropoélastine est constituée d’une seule chaîne polypeptidique comprenant environ huit cents résidus d’acides aminés dont la séquence a été partiellement élucidée. La tropoélastine possède une composition d’acides aminés identique à celle de l’élastine fibreuse insoluble hormis une plus forte proportion de résidus lysine (cf. tableau). Sous l’action d’un enzyme, la lysyl-oxydase, dont les cofacteurs sont le cuivre et le pyridoxal phosphate, certains des résidus lysine de la tropoélastine vont subir une désamination oxydative, et une série de condensations successives (non catalysées enzymatiquement) conduiront à la formation de la desmosine ou de l’isodesmosine (fig. 3). Desmosine ou isodesmosine relient deux chaînes polypeptidiques de tropoélastine (4 ou 5 moitiés de desmosine par chaîne polypeptidique).Les études séquentielles effectuées sur la tropoélastine ont révélé l’existence d’enchaînements répétitifs d’acides aminés apolaires. Le pentapeptide valine-proline-glycinevaline-glycine se répète onze fois dans une portion de la molécule. L’hexapeptide proline-glycine-valine-glycine-valine-alanine a été retrouvé six fois dans un fragment de la tropoélastine résultant d’une digestion trypsique. Ces séquences particulières ont la propriété de former des structures de type coude 廓 et leur répétition résulte en la formation d’une 廓-spirale [cf. PROTÉINES]. Cette structure particulière à l’élastine, identifiée par des études en microscopie électronique, est probablement importante dans la fonction du polymère (élasticité) mais paraît également jouer un rôle dans la formation de la fibre élastique.Les résidus lysine apparaissent sous forme de paires dans la tropoélastine au voisinage de nombreux résidus alanine. Ces paires de lysine séparées par 1-3 résidus alanine et pouvant être précédées par 8 résidus alanine consécutifs sont chacune destinées à l’élaboration des desmosines. Cet enrichissement en résidu alanine (24 p. 100) est également une autre caractéristique de l’élastine puisqu’il n’est retrouvé dans aucune autre protéine. Deux types de régions différentes par leur structure existent donc dans la molécule de tropoélastine: une portion extensible hydrophobe et une portion plus compacte riche en résidus alanine contenant les résidus lysine impliqués dans le pontage des chaînes polypeptidiques (fig. 3).3. BiosynthèseLes différentes étapes de la synthèse de l’élastine (intracellulairement et extracellulairement) ne sont pas connues avec une grande précision contrairement à ce que l’on sait de la biosynthèse du collagène. Toutefois, la séquence d’événements à l’échelle moléculaire peut se résumer de la façon suivante:1. transcription du gène de structure de la tropoélastine en ARN-messager;2. traduction de l’ARN-messager de la tropoélastine en peptide;3. clivage du peptide de signal dont la séquence primaire a été élucidée, suivie de l’hydroxylation des résidus proline (face=F0019 黎 1-1,5 p. 100);4. coacervation (agrégation) des molécules de tropoélastine;5. formation de «vacuoles» de tropoélastine (ces vacuoles particulières ont reçu le nom d’acanthosomes);6. fusion de ces «vacuoles» avec la membrane cellulaire et extrusion des agrégats de tropoélastine dans l’espace intercellulaire;7. déposition de ces agrégats sur l’échafaudage microfibrillaire ou sur la fibre élastique préexistante et formation des liaisons de pontage sous l’action de la lysyloxydase.Les études au microscope électronique ont révélé la présence de composants microfibrillaires dans l’élastine en voie de développement (fig. 1 et 3). Ces microfibrilles composées de glycoprotéines de structure paraissant jouer le rôle de vecteur dans la synthèse de l’élastine ont un diamètre de 10-12 nm. Elles reposent de façon adjacente aux cellules synthétisant l’élastine et sont orientées parallèlement à l’axe de la fibre élastique en voie de formation. Les fines fibres «oxytalane», visibles en microscopie optique par coloration à l’orcéine après oxydation à l’ozone (par exemple dans le derme papillaire, fig. 2), sont composées de microfibrilles.4. Modifications de l’élastine en pathologieDe nombreuses pathologies du collagène ont été définies en fonction des anomalies moléculaires résultant de modifications qualitatives et quantitatives aux différentes étapes de la synthèse et de la maturation de cette molécule. Une classification analogue a été proposée pour l’élastine par L. Robert et C. Frances. À part les modifications de la biosynthèse de l’élastine, une déficience en lysine-oxydase entraîne également d’importantes altérations des fibres élastiques.La pathologie de certains tissus élastiques, comme la peau, l’aorte ou les poumons, peut être définie essentiellement comme résultant de la perte des propriétés fonctionnelles des fibres élastiques. Cette perte d’élasticité du polymère a été attribuée à la présence de contaminants au sein de la fibre élastique (lipides, Ca++) et à sa dégradation par des enzymes protéolytiques (élastases).De par sa structure (coude 廓) l’élastine est capable de fixer par coordination les ions calcium, et les lipides peuvent également interagir avec l’élastine par interactions hydrophobes (fig. 4). Ces interactions pouvant être de nature cumulative, se potentialisent mutuellement et modifient de ce fait considérablement les propriétés dynamiques de la fibre élastique. Ces phénomènes sont responsables de la perte d’élasticité des fibres élastiques au cours de l’athérosclérose.L’élastine est très résistante à l’action d’enzymes protéolytiques. Seules les élastases isolées et caractérisées à partir de différents types cellulaires (pancréas, polymorphonucléaires neutrophiles, plaquettes, macrophages, fibroblastes, cellules musculaires lisses de l’aorte) sont capables de dégrader l’élastine fibreuse insoluble à un pH voisin de la neutralité. In vivo, l’action de ces élastases est modulée par la présence d’importantes quantités d’inhibiteurs d’origine sérique comme l’ 見1-antiprotéase et l’ 見2-macroglobuline, d’autres sont d’origine épithéliale comme l’inhibiteur du mucus bronchique. Une déficience fonctionnelle ou génétique de ces inhibiteurs entraîne un déséquilibre du rapport entre élastase et inhibiteur et conduit à la dégradation des fibres élastiques. Ce phénomène intervient notamment au cours de l’emphysème pulmonaire.Une surproduction des fibres élastiques a été décrite dans les cancers mammaires humains (epithelioma infiltrants): l’importance de cette élastose augmente avec l’âge des malades.Lors de la sénescence, les fibres élastiques du derme superficiel sont lysées (proportionnellement et parallèlement avec l’élastolyse dans les gros vaisseaux), tandis que le réseau élastique du derme profond peut devenir plus dense (élastose sénile).L’élastine purifiée a plusieurs usages industriels. On l’incorpore dans des crèmes et dans d’autres produits cosmétiques (après hydrolyse), on l’utilise aussi comme support pour des réacteurs enzymatiques ainsi que pour des bioprothèses semi-synthétiques.• 1901; mot angl. , du rad. de élastique♦ Biochim. Protéine, constituant principal des fibres élastiques de l'organisme (ligaments, parois artérielles).élastinen. f. BIOCHIM Protéine fibreuse qui constitue l'essentiel des fibres élastiques du tissu conjonctif.élastine [elastin] n. f.ÉTYM. 1901; angl. elastine (1875), de elastic, de même orig. que élastique.❖♦ Chim., biol. Protéine caractéristique des fibres élastiques de l'organisme (ligaments, parois artérielles), résistante aux acides et à la plupart des enzymes protéolytiques. || « Prenons un exemple concret : le vieillissement du tissu conjonctif élastique de la peau et des vaisseaux sanguins. Avec l'âge, la souplesse de ces tissus diminue (…) Cette souplesse provient surtout de l'élastine, qui tapisse les parois des artères et la peau » (Science et Vie, p. 55, mai 1973). — On a dit aussi élasticine (1855).
Encyclopédie Universelle. 2012.